Saint Adelelme (San Lesmes)
Adelelme est né à Loudun, proche de Poitiers, à une date incertaine, aux alentours de 1035. Fils d’une famille noble, il est éduqué en chevalier et entre au service du roi de France. Mais à la mort de ses parents, l’appel de la foi est tel qu’il décide de vendre tous ses biens et de partir en pèlerinage à Rome.
En chemin, il fait halte à Issoire où il rencontre Saint Robert qui reconnaît en lui les qualités et vertus de sainteté et lui propose de venir prendre l’habit dans son abbaye de La Chaise-Dieu.
Mais, fidèle à son vœu, Adelelme poursuit son pèlerinage, promettant néanmoins à Robert de venir le rejoindre ensuite. Après deux années de voyage, de prières et de privations, et après s’être recueilli sur la tombe de Saint Pierre, il arrive à La Chaise-Dieu tellement méconnaissable que Robert peine à le reconnaître. L’amitié s’instaure entre les deux hommes et Adelelme devient moine bénédictin dans l’abbaye de Robert. Sa grande piété et son sens de l’organisation font qu’il est nommé maître des novices. A la mort de Saint Robert, Durand est élu abbé mais il est appelé pour devenir évêque de Clermont. Les moines demandent alors à Adelelme de devenir leur abbé. Il souhaite refuser du fait de sa fragilité et de son grand âge, mais ils insistent et il est élu abbé fin 1077.
Il multiplie les guérisons miraculeuses autour de lui et jusqu’à la reine Mathilde d’Angleterre, l’épouse de Guillaume le Conquérant. Mais la charge lui paraît trop lourde, lui qui n’aspire qu’à la prière et la méditation, et il démissionne.
Sachant cela, la reine d’Espagne, Constance, fille du Duc de Bourgogne et épouse du roi Alphonse VI, le fait venir pour qu’il soutienne leur action de reconquête sur les Maures. Adelelme aurait voulu refuser, mais la noblesse de la cause l’engage à accepter. Lorsqu’il arrive auprès du Roi de Castille, celui-ci s’apprête à faire le siège de Tolède et Adelelme l’accompagne. Un soir, il annonce au roi que c’est le moment de traverser le Taje et, miraculeusement, ils traversent tous sans encombre et peuvent ainsi surprendre les Maures endormis et prendre la ville sans dommage. En remerciements de ce miracle, le Roi Alphonse VI fait don à Adelelme de la chapelle et de l’hôpital Saint Jean de Burgos en 1083.
En 1091, il fonde un monastère et fait venir pour cela six moines de La Chaise-Dieu et la fondation sera sous l’égide de cette abbaye jusqu’en 1437. Adeleme a ardemment travaillé à soulager la misère des pauvres et des pèlerins et ses connaissances en ingénierie militaire lui ont permis de réaliser tout un réseau de drainage et d’assainissement de la ville de Burgos, éloignant les maladies et créant des zones de culture.
A sa mort, le 30 janvier 1097, il y eut trois jours de recueillement de la foule devant sa dépouille. Il est quasi immédiatement canonisé et adopté comme saint patron de la ville de Burgos sous le vocable de « San Lesmes ».
Jacques de saint Nectaire
Jacques de saint Nectaire est le dernier abbé régulier du monastère de La Chaise-Dieu. La famille de Saint-Nectaire était assez connue en Auvergne pour son ancienneté et pour les grands hommes qu’elle a portés parmi lesquels l’abbé Jacques de saint nectaire, choisi avec le consentement presque unanime des religieux pour être abbé de La Chaise-Dieu. Son humilité lui fit longtemps refuser cette charge, mais voyant enfin que c’était la volonté de Dieu, il s’en acquitta très bien, enrichissant l’abbaye de placements, présents et ornements pour l’église.
L’abbé Jacques de saint Nectaire se signala, dès les premières années de sa prélature, par des actions de piété et de dévotion. Il fit paraître aussi le grand zèle qu’il avait pour conserver l’observance régulière en sa première vigueur non seulement dans son monastère de La Chaise-Dieu, mais encore dans toutes ses dépendances. Une des principales actions de l’abbé Jacques de saint Nectaire, et qui a rendu l’abbaye illustre, fut d’avoir obtenu en l’an 1501, privilège du roi Louis XII, de porter pour armes de celle-ci, celles des rois de France, écartelées de celles de Clément VI, pape. L’abbé Jacques de saint Nectaire employa d’autre part le meilleur de ses revenus à l’embellissement et à la décoration de son monastère.
En plus de faire bâtir le cloître de l’église et la chapelle des abbés du monastère de Chanteuges, de faire bâtir le chapitre et une partie du cloître ou le grand réfectoire de La Chaise-Dieu, il fit, entre autres, orner le chœur monastique de tapisseries représentant la Bible, en avril 1518, à l’occasion de la fête de Saint Robert. Cette Bible illustrée aidait les moines à méditer la Parole de Dieu. Au nombre de 11 (autrefois 18), les tentures sont suspendues au-dessus des stalles. Elles portent les armoiries de l’abbé (cinq fuseaux d’argent sur fond d’azur) et celles de La Chaise-Dieu (roses rouges et lys dorés). S’étendant sur 65 mètres de long et environ 2 mètres de haut, elles proviennent de Flandres. Elles ont échappé deux fois à la destruction, en 1562 lors du sac de l’abbaye par les troupes huguenotes et à la Révolution française, cachées sous des bottes de paille. Restaurées en 1973, elles offrent aux regards leurs riches coloris retrouvés. Le 23 mai 2013, toutes les tapisseries ont été décrochées afin d’être nettoyées et restaurées. Depuis juillet 2019 elles sont exposées dans une salle dédiée à l’emplacement d’une ancienne chapelle. La libéralité de Jacques de saint Nectaire envers ses religieux et son monastère fut tout à fait remarquable. Il gouverna 27 ans et mourut en 1518.
Clément VI, un pape bâtisseur
Pierre Roger est né à Rosiers d’Egletons (diocèse de Tulle) en 1292 d’une famille de petite noblesse. A l’âge de 10 ans, il devient novice à La Chaise-Dieu. Destiné à la vie monastique, il est surtout remarqué pour sa prodigieuse mémoire, ses facilités d’expression et la justesse de son jugement. L’abbé de La Chaise-Dieu l’envoie étudier à la Sorbonne et il est fait docteur en théologie en 1323. Ordonné prêtre, il s’illustre par ses talents oratoires. Il est nommé Proviseur à la Sorbonne et y enseigne jusqu’en 1327.
Il gardera pendant cette période ses attaches casadéennes, se faisant attribuer les fonctions (et les revenus) de prieur de Saint-Pantaléon (diocèse de Limoges), puis de Savigneux (diocèse de Lyon) et de Saint-Baudil (diocèse de Nîmes.
En 1327, il quitte l’Université et commence une carrière épiscopale : évêque d’Arras, puis de Sens, puis archevêque de Rouen, il est nommé Cardinal en 1338. Parallèlement, il exerce des fonctions de Garde des Sceaux et de Président de la Cour des Comptes auprès du roi Philippe VI de Valois. Il est élu Pape en 1342 en Avignon sous le nom de Clément VI. Son pontificat est marqué par une conception théocratique du pouvoir. Il fut un pape fastueux, comme en témoignent les constructions du Palais des Papes d’Avignon et de l’Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu. Son amitié avec l’empereur Charles IV lui permit d’apaiser les relations entre l’Empire et l’église. Il apporta un soutien évident au roi de France dans ses conflits avec le roi d’Angleterre et maintient en Avignon le siège de la Papauté, tout en agissant en tant qu’évêque de Rome. Il meurt après un pontificat de 10 ans et est enterré à La Chaise-Dieu en avril 1352.
Le Cardinal de Richelieu
Le Cardinal de Richelieu succède en l’abbaye de La Chaise-Dieu, à Louis de Valois, en 1629. Son règne fut rendu illustre par l’introduction des pères de Saint Maur dans l’abbaye, pour la réforme et afin d’y remettre l’observance régulière de sa première vigueur, ce qui fut fait en 1640. Cette congrégation a de particulier sa centralisation et chaque moine peut être déplacé selon les besoins. Une impulsion très forte est en outre donnée aux études. Les moines de Saint Maur, les Mauristes, furent à l’origine de travaux historiques et religieux très savants et volumineux justifiant ainsi une fois de plus l’expression à un travail de bénédictin.
Le Cardinal de Richelieu eut à cœur d’incorporer l’abbaye de La Chaise-Dieu à cette congrégation dont il avait été un des instigateurs. Cependant, ils ne furent pas accueillis avec chaleur lors de leur installation. A la mort du Cardinal de Richelieu en 1642, les moines de Saint-Maur furent chassés mais revinrent définitivement en 1644 et l’abbaye de La Chaise-Dieu devient un lieu étude de théologie et de philosophie pour la congrégation de Saint Maur. Ce fut pour La Chaise-Dieu une renaissance spirituelle et intellectuelle qui dura plus de cinquante ans. A partir du XVIIIème siècle, on assiste à un déclin général de la congrégation de Saint Maur du fait de la polémique janséniste et, en 1790, il restait vingt moines à La Chaise-Dieu quand la Révolution prit possession des lieux.
Le Cardinal de Rohan
Louis-René-Edouard de Rohan-Guéméné, né le 25 septembre 1734, abbé de Montmajour, évêque de Canope in partibus et de Strasbourg, membre de l’Académie française, commandeur des Ordres, succéda à Armand de Rohan-Soubise, en 1756, et fut le dernier abbé de La Chaise-Dieu. Il fut exilé de la cour du roi à la suite de la fameuse affaire du collier de la Reine : Marie-Antoinette demandait au roi de lui offrir un collier dont la valeur correspondait, pour l’époque, à l’affrètement de deux navires de guerre. Une escroquerie fut ourdie par la comtesse de La Motte qui fit croire au Cardinal de Rohan que la reine le chargeait d’acheter le collier à sa place. Le roi suspecta alors le Cardinal d’être l’amant de la reine.
L’histoire raconte que le Cardinal arriva à La Chaise-Dieu accompagné d’une femme habillée en valet et que ses mœurs n’étant pas celles convenues pour un abbé et un évêque, les moines refusèrent de l’accueillir dans leur enceinte. Aussi décida-t-il de se faire construire une maison, collée à l’église Saint Robert, pour bien montrer toute son autorité ecclésiastique. Pendant son abbatiat, il contribua, par sa présence d’esprit, à éteindre un incendie qui, le 6 juillet 1786, faillit consumer la ville de La Chaise-Dieu. Il s’associa, au moins par son silence et dans un élan de patriotisme mal entendu, à la délibération qui, le 24 octobre 1789, choisit d’envoyer à l’hôtel des monnaies de Riom l’argenterie de l’église, en ne réservant que le simple nécessaire afin de subvenir à la disette des finances du royaume. Ainsi commença la disparition des biens que l’abbaye avait pu arracher à l’incendie, au pillage et à d’inconscientes aliénations.